Entre lieu-dit et monde : cultures de l’habitat écosophique dans la chanson poétique occitane et française des années 1960 aux années 1980
DOI :
https://doi.org/10.15203/ATeM_2024_1.06Résumé
Cet article s’intéresse à un moment historique précurseur de questionnements écologiques qui nous sont contemporains : la relation entre vitalité humaine, viabilité écosystémique et résistance culturelle à l’uniformisation de la sensibilité et à la prédation conjointes du lieu habitable et de l’habitat commun. Des années 1960 aux années 1980, sous l’impulsion de la vague folk, de la contre-culture hippie, et dans le lointain héritage du travail de collectages initié au XIXe siècle, on assiste à une conscientisation des cultures minorées dont un type de chanson populaire d’un nouveau genre va émerger, qui va porter haut les couleurs d’une culture écologique à tous les sens du mot culture. Dans le contexte centraliste français, cela prend la forme de ce qu’on appelle aujourd’hui la renaissance des chansons en langues régionales, dont, pour celle qui nous occupe ici, la « renaissance de la chanson occitane ». Dans le contexte de l’internationalisation du formatage « pop », cette conscientisation travaille la chanson poétique en français, dont on ne s’étonnera guère qu’elle soit particulièrement active au Québec. Ainsi, une conception environnementaliste mainstream de l’écologie, pur alibi d’un type d’organisation du réel constitué de domination et d’exploitation destructeur de la biodiversité de l’habitat terrestre, se voit opposer une conception écosystémique de cet habitat. Pour celle-ci, le renouvellement de la vitalité locale, inverse de sa congélation folklorique, est la condition, et non le contraire, de la viabilité de la présence au monde et de l’humanité commune. Cela se traduit par une articulation critique des thématiques de l’habitat du lieu et de l’habitat du monde, aussi hostile à un territorialisme étriqué qu’à un universalisme abstrait, qui rappelle la maxime célèbre de Hölderlin « L’homme habite en poète ».